
Ce mardi matin, la ville de Fria respire… ou du moins, essaie. Après la tension sociale autour de l’usine de Rusal Friguia, les forces de l’ordre, présentes aux alentours du site pendant la grève, ont disparu. ‘‘Les autorités ont été convoquées à Conakry’’, glisse un syndicaliste, mi-soulagé, mi-méfiant.
Dans la foulée, la diffusion d’un courrier du ministre du Travail, intimant à la Chambre des mines de faire respecter la Convention collective des mines, a été accueillie comme une victoire. Un trophée symbolique dans une bataille sociale qui, pour l’instant, semble tourner à l’avantage des travailleurs.
Sous la poussière, un poison
Mais dans l’ombre de cette prouesse syndicale, une menace plus insidieuse persiste. Les terrasses, les voitures, les arbres… tout est recouvert d’une pellicule blanche. Les habitants se frottent les yeux, éternuent, peinent à respirer. ‘‘C’est l’alumine, lâchée la nuit, quand les fours tournent sans électrofiltres’’, accuse un ouvrier. La courte vidéo ci-dessous ne montre pas une fumée blanche, mais bien de la poudre d’alumine qui s’échappe d’un four.
Ce phénomène n’a rien de nouveau. En début d’année, un rapport officiel du ministère de l’Environnement que nous avons pu consulter, avait déjà dressé un constat sans appel : pollution de l’air “grande”, normes de rejets atmosphériques non respectées, et unique source d’émission identifiée : l’usine de Friguia.
Pire encore, ce document prévoyait une pénalité pour l’entreprise et exigeait la mise en œuvre immédiate de mesures techniques et sanitaires.

Ces mesures étaient claires : Stopper immédiatement l’émission de fines poudres d’alumine au profit de gros grains ; Remplacer les électrofiltres défectueux ; Soigner, aux frais de Rusal, les victimes de maladies liées à la poussière ; Mesurer l’intoxication des employés et riverains ; Contrôler chaque mois l’application des mesures ; Soutenir les maraîchers affectés par des intrants et du matériel.
Six mois plus tard, le constat est tout aussi clair : aucune de ces recommandations ne semble avoir été suivie. La poussière continue de se déposer, lentement mais sûrement, dans les poumons des habitants et sur les feuilles des cultures.
La complicité du silence
La question n’est plus de savoir si l’air de Fria est pollué -les preuves sont là, visibles à l’œil nu et mesurées par l’État lui-même- mais pourquoi rien n’est fait ?
Pourquoi le ministère de l’Environnement, qui a documenté l’infraction, ne fait-il pas appliquer ses propres recommandations ? Pourquoi le ministère des Mines, garant du respect du Code minier, se tait-il ? Et pourquoi Rusal, multinationale au chiffre d’affaires colossal, persiste-t-elle à sacrifier la santé d’une ville entière sur l’autel du profit ?
Disons-le tout net : À Fria, l’accalmie sociale pourrait bien n’être qu’un répit avant une crise plus grave. Car si les grèves et les tracts s’entendent, la pollution, elle, ne fait pas de bruit. Elle se dépose. Elle s’infiltre. Et elle tue. Lentement.
Vivement le droit de respirer à Fria.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com
Last modified: 13 août 2025