
Dans un rapport dont nous publions le résumé en bas de cet article, la Banque mondiale se veut rassurante : la croissance économique de la Guinée s’accélère. Et elle le dit chiffres à l’appui : 5,7 % en 2024, 6,5 % en 2025, pour culminer à 10 % entre 2026 et 2027. Une performance qui pourrait susciter l’enthousiasme… si elle n’était pas, une fois encore, tirée quasi exclusivement par les mines. Simandou, toujours Simandou. Comme si le salut du pays ne pouvait venir que d’un trou dans la montagne.
Mais à quoi bon brandir des pourcentages de croissance quand 52 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté ? Quand l’agriculture végète, que l’emploi se fait rare hors du secteur extractif et que les services publics sont à l’agonie ? Derrière les courbes, une évidence s’impose : la croissance guinéenne reste l’apanage d’un secteur peu créateur d’emplois, concentré, opaque, et déconnecté du reste de l’économie réelle.
Le rapport fait un constat lucide : la Guinée peine à mobiliser ses ressources fiscales, plafonnant à 13,1 % du PIB, bien en dessous des standards régionaux. Comment expliquer une telle faiblesse, sinon par une complaisance chronique envers certains acteurs économiques puissants qui échappent encore trop souvent à une fiscalité juste et transparente ? Le rapport parle pudiquement de ‘‘renforcement du contrôle fiscal’’ ou ‘‘d’intégrité des bases de données’’. Mais entre les lignes, il faut lire ceci : l’État guinéen ne collecte pas ce qu’il devrait, et dépense mal ce qu’il collecte.
Pire, la dette publique augmente, les déficits se creusent, et les investissements dans la santé ou l’éducation restent insuffisants. Une équation budgétaire qui illustre à quel point le modèle actuel est insoutenable. À force de dépendre des exportations brutes et de projets à rentabilité différée, on construit une économie de mirages – où l’argent entre peu, circule mal, et ne profite qu’à une élite restreinte.
Oui, la Banque mondiale a raison de dire qu’il faut profiter de la ‘‘fenêtre étroite’’ ouverte par Simandou pour transformer l’économie. Mais pour cela, encore faut-il briser le cercle vicieux des promesses non tenues, des réformes toujours annoncées et jamais achevées, et du déficit chronique de volonté politique. Le pays n’a pas un problème de potentiel : il a un problème de gouvernance.
Il est temps que la Guinée cesse de courir après la croissance comme une fin en soi. Ce dont elle a besoin, c’est d’une redistribution équitable de la richesse, d’infrastructures durables, d’un système fiscal juste, et d’un État capable d’imposer des règles à tous, y compris aux géants du en haut de en haut. Autrement dit : la croissance ne suffit plus. Il faut désormais du courage.
Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com
Last modified: 2 juillet 2025